Nous avons réalisé une coupe du manteau neigeux dans le secteur “Tête de Cuvy” dans le massif du Beaufortain.
Nous sommes le samedi 13 janvier 2019. L’exposition est Nord Est et l’altitude est de 1950 mètres.
Ci-dessous la coupe grossière de la totalité du manteau neigeux:
A cet endroit, nous avons relevé une épaisseur total du manteau neigeux de 1 mètre !
Les différentes couches de haut en bas:
-35 cm de neige fraîche provenant de la chute de neige en cours. A la base de la couche, présence de neige roulée et de particules reconnaissables.
-Fine croûte de regel d’environ 1 cm résultante du redoux de l’avant veille puis du regel nocturne.
-Couche de grains fins résultant de la chute de neige de mercredi dernier.
-Épaisse croûte de regel qui rendait les conditions délicates en montagne ces derniers temps: conditions de neige vitrifiées et glacées.
-Couche de face plane résultante du processus thermo-dynamique: métamorphose à moyen gradient thermique lors du long blocage anticyclonique.
-Croûte de regel
-Couche de face plane
Vraisemblablement, la première épaisse couche de face plane pourrait jouer le rôle de couche fragile potentielle.
Les particules reconnaissables mélangées à la neige roulée présentes au cœur de la couche supérieure pourrait également jouer le rôle de couche fragile. Cette couche faible sera bien plus temporaire que celle mentionnée précédemment. En effet, les processus de gradient thermique et de rayon de courbure vont vite se mettre en place. Les grains vont évolués (+ ou – favorablement).
Afin d’identifier et de mettre en évidence une possible amorce de rupture des couches fragiles, nous effectuons un test de compression à la pelle (“tap test” ou test de la colonne isolée). Nous observons une amorce de rupture juste au dessus de la seconde croûte de regel (croûte résultante de la longue période anticyclonique). En effet, dans un manteau neigeux sec, la température de part et d’autre de croûtes de regel est très proche de 0°. De forts gradients de température s’appliquent localement. Nous parlons alors de “super gradient”. De très minces couches fragiles se créent ici invisible à l’œil nu. C’est probablement l’une d’entre elles que nous avons identifiées grâce au test de compression à la pelle.
En revanche, aucune amorce de rupture n’est observé dans la couche de face plane. Le taux d’amortissement est probablement trop élevé avec la succession de croûte de regel.
♠♣♥♦ L’activation (amorce de rupture et propagation) d’une couche fragile enfouie est tributaire de l’épaisseur et de la dureté de la couche supérieure à la couche fragile (structure de plaque). Nous pouvons parler de “taux d’amortissement”.
Nous isolons une colonne plus élargie afin d’activer cette couche fragile identifiée via le “tap test” .
Avec la scie, nous initions une amorce de rupture dans la couche fragile afin de provoquer une éventuelle propagation de la rupture.
Nous observons clairement la rupture se propager au reste du bloc isolé. La couche fragile s’effondre. Avec suffisamment de pente (au delà de 30°), la couche supérieure aurait sûrement dévalée le long des couches inférieures pour finir sa course sur Olivier.
CONCLUSION: Il a continué de neiger toute la journée d’aujourd’hui (14/01/2019). De plus, ces chutes de neige ont été accompagné de forts vents. Des nouvelles surcharges se sont donc ajoutées à la surface du manteau neigeux. Elles vont donc faciliter l’activation de cette couche fragile.
Demain, la météo semble plutôt bonne avec du soleil en altitude donc prudence!