Couche fragile temporaire et avalanche de plaque

5 mars 2020 •

Une activité avalancheuse significative a été observée le mardi 03 mars et le mercredi 04 mars 2020 dans le massif du Beaufortain toutes orientations et essentiellement à des altitudes autour de 2200 mètres. Cette forte activité avalancheuse fait suite à de nombreuses chutes de neige alternant avec des périodes sèches et froides pendant les jours précédents.
Pour rappel, le risque d’avalanche estimé par Météo France le 03 mars était fort (indice 4) et marqué (indice 3) le 04 mars.

Secteur Comborsier, versant nord, départs spontanés d’avalanches de plaques observés le 03 mars 2020

Tête Rouge, déclenchement non spontané d’une avalanche de plaque friable le 04 mars 2020


Pour mieux comprendre le phénomène et le mécanisme d’avalanche de plaque, nous avons réalisé 2 coupes grossières du manteau neigeux le 04 mars 2020.

1/ Coupe du manteau neigeux secteur Rognoux, altitude 2320m, versant Ouest

L’étude s’est concentrée sur les 80 premiers centimètres du manteau neigeux. L’épaisseur totale à cet endroit est inconnu.

→ Nous notons, par endroit, la présence de quelques cavités de neige roulées. La neige roulée disposée en couche, fait office de couche fragile, mais n’est jamais “performante”. Dans ce cas là, la neige roulée présente en cavité n’est pas considérée comme couche fragile. La propagation d’une amorce de rupture est impossible (disposition disparate des cavités).

Neige roulées disposées en cavité dans le manteau neigeux

→ Nous relevons la présence de deux couches constituées de particules reconnaissables. Les particules reconnaissables sont des grains peu évolués depuis leur chute au sol.

Particules reconnaissables observées à la loupe

Ces grains de neige disposés en couche sont considérés comme fragile. En revanche, ils vont évolués rapidement en fonction:
– De la température au sein du manteaux neigeux.
– De l’épaisseur de la couche qu’ils constituent.
⇒ Effet thermodynamique ⇐
Nous parlons de rayon de courbure si l’épaisseur de la couche est conséquente et la température proche de 0°. Les particules reconnaissables évoluerons de façon favorable (grains fins).
Nous parlons de gardien thermique si l’épaisseur de la couche est faible et la température bien négative. Les particules reconnaissables évoluerons de façon défavorable (faces planes).

Ces 2 couches constituées de particules reconnaissables sont donc des couches fragiles temporaires.

Nous avons donc la présence de 2 structures de plaque superposées qui pourraient être à l’origine du départ non spontané en face Ouest de tête Rouge (même altitude et même orientation que l’étude).

Difficilement identifiable à l’œil nu, ces 2 couches fragiles sont mises en évidence grâce au test de compression à la pelle (tap test ou test de la colonne isolée).
Pour vérifier le processus actif du mécanisme de déclenchement d’avalanche de plaque, la rupture est amorcée dans la couche fragile identifiée à l’aide d’une scie.

Vidéo 1: Amorce de rupture dans la couche fragile enfouie à 20 centimètres

A peine la rupture amorcée dans la couche fragile grâce à la scie, la rupture se propage immédiatement et avec grande facilité. Ensuite, la couche fragile s’effondre et la couche supérieure constituée de grains fins glisse. La couche fragile temporaire est donc active.

Vidéo 2: Amorce de rupture dans la couche fragile enfouie à 45 centimètres

Idem pour la couche fragile enfouie à 45 centimètres. On distingue bien la fissure créée par la propagation.
Sur la fin de la vidéo, nous observons concrètement les structures de plaques superposées en exerçant une traction sur l’arrière du test avec une pelle.

⇒ Les deux couches couches fragiles temporaires sont actives et très efficaces.


 

1/ Coupe du manteau neigeux secteur Tête Rouge, altitude 2200m, versant Est

L’étude s’est concentrée sur les 80 premiers centimètres du manteau neigeux. L’épaisseur totale à cet endroit est inconnu.

→ Nous notons la présence d’une épaisse couche de neige humidifiée à la base de la coupe. Elle est résultante des précipitations associées au redoux bien marqué (pluie à haute altitude).

→ Nous relevons une mince croûte de regel à 20 centimètres sous la surface du manteau neigeux.
Pour rappel, l’influence des croûtes de regel sur la formation de couche fragile et le mécanisme d’avalanche de plaque ⇒ Croûte de regel et avalanche de plaque

Nous avons donc la présence d’une potentielle fine couche fragile (invisible à l’œil nu/au niveau de la flèche sur la photo de la coupe) qui pourraient être à l’origine des départs spontanés ou non d’avalanche observés la veille.

Nous contrôlons l’activité du processus en réalisant une amorce de rupture avec la scie dans la potentielle couche fragile située juste au dessus de la croûte de regel.

La propagation de la rupture est immédiate, la couche fragile se désagrège et la couche supérieure glisse.


 

L’activité avalancheuse du mardi 03 mars et le mercredi 04 mars 2020 dans le massif du Beaufortain (autour de la station d’Arêches Beaufort) était très marquée. Une situation qui était, selon nos observations, la plus risquée (autour des altitudes de 2200 mètres) depuis le début de la saison, et notamment la matinée du 03 mars.

Je vous souhaite une bonne journée
A bientôt
François