Risque 4

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12 janvier 2016 •

Discutons nivologie élémentaire.

Je regarde par la fenêtre et j’observe la neige tombée; cela me donne l’envie d’écrire quelques mots sur l’état du manteau neigeux actuel.
En effet, suite à la météo très perturbée des derniers jours avec des fluctuations de températures élevées, la limite pluie neige fait le yoyo et le vent souffle fort. Mais aussi, n’ oublions pas les semaines du mois de décembre avec le passage d’un long anticyclone certe doux mais qui a quand même eu une incidence non négligeable sur la neige déjà présente (vous vous rappelez, celle qui est tombée au mois de novembre et qui a poussé bon nombre de station de ski à ouvrir prématurément…). Tous ces événements font que nous avons, aujourd’hui’ hui, une structure du manteau neigeux très complexe.
Je m’explique. les quantités de neige en altitude commencent à être importante. La mauvaise météo des derniers jours, qui plus est très tempétueuse, a favorisé la formation de neige roulée (surfusion de gouttelettes d’eaux au sein du nuage). Et cette neige particulière, très ressemblante à des boules de mimosa, constitue une couche fragile à l’intérieur du manteau neigeux. Cette couche fragile n’est pas une couche fragile de compétition néanmoins, elle sera permanente tout au long de l’hiver. J’ai observé à 2 reprises la formation de neige roulée lors de la semaine écoulée et notamment hier.

neige roulée                                 
Neige roulée observée hier au Cuvy (1700m)

L’anticyclone du mois de décembre à eu également un impact sur la formation d’une couche fragile, beaucoup plus profonde et enfouie dans le manteaux neigeux. Effectivement, la faible épaisseur de neige déjà présente provenant des chutes du mois de novembre et cette longue période anticyclonique, qui malgré ce qu’ l’on peut pensé, ont favorisé la formation de gobelets (vous savez, les gros grains de neige anguleux et striées en forme de gobelets qu’on apparente souvent à du gros sel). On parle de métamorphose à fort gradient de T°C (sup à 20°C/m). Ce types de grains constituent une sacrée couche fragile de compétition et qui sera permanente tout au long de l’hiver.
Toutes ces couches fragiles rendent le manteau neigeux très instable. Entre les couches fragiles constitué de neige roulée à plusieurs étages au sein du manteau et cette couche fragile de gobelets enfouie au fond du manteau neigeux. Mais quel rapport entre ces couches dites fragiles et le mécanisme de déclenchement d’avalanche? Très simple! Visualisez cette couche fragile comme un château de carte sous une seconde couche de neige fraîchement tombée ou rapportée par du vent, imaginez que quelque chose vienne à titiller une carte de ce château:
*Une carte tombe et le château reste en place, rien ne se passe.
*Une carte tombe et le château s’écroule, il y a alors effondrement de la couche fragile et si l’effondrement se propage (imaginez les cartes qui tombent les unes sur les autres) et que la pente est suffisante (sup à 30°), la couche de neige supérieure à cette couche fragile va partir en avalanche.
La notion de déclenchement à distance prend tout son sens ici car nous pouvons rompre la couche fragile  sur du plat (le fameux woufff) et celle ci va se propager jusqu’à une pente suffisamment raide pour que la couche supérieure parte. (attention aux pentes en amont!!!)
Qu’est ce qui va bien pouvoir venir titiller les couches fragiles? Très simple encore une fois! En général, une simple surcharge du manteau neigeux va venir solliciter les couches fragiles. Les surcharges sont multiples, le simple passage d’un ou plusieurs skieurs peut provoquer la rupture de la couche fragile. Mais également la pluie et le vent peuvent être à l’origine de la rupture, ou en tout cas la favoriser ou ajouter une surcharge supplémentaire. En effet, la pluie va humidifier plus ou moins en profondeur le manteau neigeux donc augmenter la masse volumique de celui ci.

cheminée de percolation
 humidification du manteau neigeux de façon hétérogène (cheminée de percolation) observée à la Serraz (1050m)

 

Le vent, quant à lui, va transporter et déposer la neige à des endroits privilégiés. On parle d’accumulation. Il va également briser les grains de neige (grains fins), donc favoriser la cohésion de frittage entre eux. On parle de plaque dure; ces fameuses “plaques à vent”.
Une couche fragile sans sur couche est inoffensive. Pour qu’il y ai avalanche, il faut une couche fragile  et une couche supérieure constituée de neige récente plus ou moins dure. On parle de plaque dure pour des couches supérieures constituées de grains fins et de plaque friable pour des couches supérieures constituées de particules reconnaissable et grains fins (masse volumique comprise entre 140 et 200 kg/m3)

Sollicitation d'une couche fragile  à l'aide d'une scie à neige. Surcharge de la couche supérieure simulée à l'aide de bloc de neige 

 

Pour revenir à notre la situation actuelle, une chute de neige abondante depuis plus d’une semaine entrecoupée d’épisode pluvieux (limite pluie neige qui fait le yoyo). Nous retrouvons au sein du manteau neigeux plusieurs couches fragile à différents étages. La neige roulée présente à plusieurs niveaux et pas très enfouie, les gobelets profondément enfouis à la base du manteau neigeux. La pluie qui n’a cessé de faire le yoyo a humidifié le manteau neigeux  donc alourdie celui-ci. (à moindre échelle en altitude). Le vent fort et tempétueux a favorisé la formation de neige roulée mais aussi à transporter de la neige en grande quantité et ce sur toutes expositions. Ce transport de neige a surement créer des grosses accumulations et former des plaques.

La structure du manteau neigeux est aujourd’hui très complexe et très dangereuse avec surement beaucoup de structures de plaques. S’informer du risque d’avalanche n’est pas suffisant, il faut prendre le temps de lire le BRA et de l’adapter en temps réel sur le terrain.

Bon ski